Sous ses sourcils à l'arc apaisé, son regard divague. Le parc est toujours aussi vaste et évidé en cette saison.
Mais jamais trop grand pour que ses soucis s'envolent et disparaissent dans la nature.
Toujours, son regard bute contre les barrières dans le fond qui ceignent l'abandonné giron.

Dans la boue et l'herbe éparse, la chienne se vautre, jappe s'amuse de faire voler puis d'attraper les feuilles mortes.

L'idée du bain laisse un sourire attentionné s'attacher contre sa trogne.
A croire parfois qu'il fait exprès de détourner le regard, devant toutes le flaques qu'elle dérange, tous les terriers qu'elle fouine en forêt.  

S'il appréciait d'ors et déjà les plaisirs simples, il avait appris en huit ans, à ne jurer plus que par eux. Si volatile...
si volatile.....

D'habitude à cette heure ci, le vent se lève et charrie l'océan sur le continent.
Mais aujourd'hui le sel c'est enroulé dans les vagues, l'océan est calme, l'herbe sent la pluie du haut ciel.

Jean frissonne
Il n'a pas froid, il n'aime juste pas ces jours plats. Lorsque la ville n'est pas baignée dans l'humeur côtière, il s'oublie ailleurs
Là où l'odeur du bois est reine
Là où les tombes sans noms et sans corps jonchent le paysages sans un mot, sans une apparition.

Jean
Ça le rend mauvais lorsqu'il se prend à être trop tendre
Jean  !  

Tout son corps fait volte-face, à cran, prêt à en découdre avec le malin qui ose utiliser cette voix
Ose utiliser son nom avec un si doux, si regretté ton
Qu'il soit cruel oh il l'imagine bien
Mais il ne supportait pas que la cruauté fut mêlée à la tendresse, il n'avait pas le droit, pas lui  !  
Mais ce n'était pas lui, non, juste elle

Elle ... Qui ...
Jean n'avait plus les mots
Perdu qu'il pense penaud,
perdu au fond d'un verre.
Tous les mots

Il y a des marmots derrière elle.
Il voit mais reste interdit
Au mieux, ce n'est qu'un mirage,
Au pire, une vie qui lui terrifie de perturber.
(Philomène !  Une mère !)

Ses mains tremblent, c'est vrai qu'il n'a pas beaucoup bu ce matin.
Il a tellement honte de ce manque qu'après un premier "coucou" d'une main hésitante, son regard va vite s'empêtrer dans la contemplation des souliers de Philomène.

Oh Philomène....comment aurait il pu oublier  ?  Jean se raccroche à tout ce qui lui a donné de la joie dans sa pauvre vie comme un ivre mort s'accroche à sa bouteille  ;  
Pour éloigner la guerre.

Allons...

Le sourire est là mais peiné, prévoyant déjà de ce qu'il pourrait entendre de tes lèvres, voir dans tes yeux  :  une pitié qui le terrifie.

C'est dire qu'à 30 ans tu te préoccupait déjà de son avenir, et voilà qu'à quasiment 40 ans il ne peut que te donner raison.

Les mains dans les poches il se rapproche un peu, mais pas beaucoup, comme s'il s'interdisait de rentrer dans ton tableau. Il découvre rapidement à nouveau une main moite pour désigner d'un doigts imprécis les enfants avant de bien vite la camoufler dans les plis de son manteau.

Tu ... ? C'est...

Il hésite, ça peut être ses enfants oui, mais ça peut dire beaucoup de choses ses enfants, si c'était des réincarnés perdus qu'elle aurait pris sous son ailes comme au bon vieux temps, ça serait un peu aussi ses enfants non  ?

Le baby-sitting te manquais.... ?

Et il rit, court, discret, nerveux. Pas de bonjour pas d'horrible comment tu vas. Juste le présent, on se souvient déjà assez bien du passé non  ?    

Et il n'aime pas, ces nouvelles petites manies qu'il découvre, il n'aime pas non deviner les mains fines se ligoter avec discrétion.

Il ne s'imagine pas Jean que cela fut autre chose que de l'embarras,
envers lui évidemment.
Il n'imagine pas Jean, derrière les yeux fatigués
la fatigue en elle-même.
Tout embourbé de lui-même, cette étrange Philomène lui semble irréel.
Il n'est pas rentré dans le tableau non, mais rien que son souffle lui donne l'impression d'avoir déjà tourné les couleurs, d'avoir peint ta famille maussade.
(promis ce n'était pas voulu, il a tout fait pourtant, pour rester loin de vous, loin des yeux loin du coeur, pour que vous ne sachiez pas que le sien avait périt dans les flammes)  

Elle doit être si belle pourtant, le bougre doit être fier, ce sale brigand écolo...mais il n'a pas la force de maugréer, au fond de lui, Jean souhaite toujours te plaire. Il n'a jamais pu t'oublier, et ton rire qui s'élève, peut être sonne t il blessé par la mémoire, n'est il qu'il lui ravive son visage rafraîchi.
Ris encore  !  Il veut te voir sourire, même de tristesse, même de pitié, c'est pas grave...même de complaisance, même d'un "je me doutai que tu finirais ainsi" ce n'est pas grave...

Temps que ça te fait rire, tant que ça te donne une force nouvelle, comme lorsqu'on se confronte à la mort.
Il pense ainsi Jean, parce que ça lui colle à la peau cette image de sale cabot.

De jolis prénoms... Puis ils ont l'air bien vif comme marmaille, j'espère qu'il t'aide un peu hein...le...lui.

Lui se détourne, un peu gêné, croise le regard de sa chienne au loin, qui stoppé net, observe d'abord la scène, prudente, puis Jean. Il n'a besoin que d'un geste, et la voilà qui trottine à lui, l'air amicale, vient s'asseoir à ses pieds, les yeux toujours fixé sur son maître jusqu'à ce qu'il lui flatte le museau. Seulement à cet instant décroche t elle son attention pour observer les petits humains turbulent.

Jean hausse les épaules, elle devait s'y attendre oui, même sans son don, il était sûr qu'elle le lisait encore comme un livre ouvert.

...moi je te présente ma vieille fille, elle est brave, j'habite pas vraiment ici, plus haut... mais je fais un peu tous les parcs, histoire qu'elle s'ennuie pas. Elle se fait de nouveau copain comme ça.

Fluide, naturel, l'on évite les pièges émotionnelles, on ne répond pas des non-présents, ni de ses souvenirs que tu évoques, cherches-tu le chainons manquant philomène  ?  Aah mais Jean a tout fait pour le couper, il ne faut pas lui demander de recoudre les fils, tisser l'ancienne toile  ;  la nouvelle lui a déjà dérobé tout son courage restant.

n'est-ce pas
qu'on se serait croisé
qu'elle me vas bien
que je n'habite pas par ici mais au fond toi non plus
au fond
ou as-tu planté tes voiles ?
ton empressement précédent à faire remonter le passé à la surface lui laisse supposer que non.
les houles sont trop fortes par ici
n'est-ce pas.

La chienne ne jette qu'un coup d’œil à la dame, les enfants l'envoute, elle a envie de jouer elle aussi mais est intimidée par leurs gestes imprécis et brouillons.
Jean s'entend répondre à voix basse, armé d'un demi sourire qui se lit comme un pardon
Elle ne me l'a pas dit
qu'il dit.

il aime bien s'amuser de ce sous entendu de rien du tout, il est quasiment sûr qu'elle n'est pas après tout des leurs, mais qui sait réellement de nos jours, plus rien ne fait sens, un rien nous enfonce dans le doute le plus profond.
heureusement tu ne t'attardes pas, jamais, c'est bien ton portrait tout craché, d'enchainé, de ne pas le laisser respirer, venant d'autre ça à tendance à l'énerver cette propension à tuer les silences, mais venant de toi, il ne sait pas pourquoi, comme au bon vieux temps il faut le dire, il t'a toujours fait des compromis silencieux et furtif, entendu de lui seul et son sens des femmes bancal.
Son regard s'attendrit, peigne tes cheveux alors même que tu l'embarques dans ta traine.
(ça lui fige le sourire)

Il hausse les épaules pour acquiescer, puis s'abaisse pour reprendre la longe de sa chienne qui trainait au sol derrière elle.
Tu prononces son prénom et il ne ressent rien.
ah bon.
d'accord.
Il ne dit rien non plus sur le sujet, c'est malvenu de son point de vue et puis il ne veut pas qu'elle lui parle de lui.
Il est déjà amplement satisfait de la réponse.  
(puis tu dis que ça ne fait plus rien alors s'il n'y a rien à dire autant coupé court au dires)
Redressé et prêt à lui emboîter le pas, il essaie de se faire pardonner sa roublardise encore une fois, en changeant de sujet.
Vous finirez bien par trouver une discussion agréable à vous deux.

Je suis de nuit ce soir, donc j'ai tout l'après midi devant moi. Je suis étonné en revanche de ne pas avoir, quelque part, entendu parlé de toi plus tôt, une fauconnière même dans une plus grande ville que...tu sais bien, ça sort un peu du lot, est-ce que ....?

ce n'est pas étrange de changer d'orientation pour les gens comme eux, pas depuis que tous avaient du supporter le poids d'une autre vie, plus l'exil forcé. Il y avait parfois des réactions en chaines pour le moins inattendues.
Mais tu as toujours été de celles qui ont les pieds bien ancrés, même de nos jours n'est-ce pas, deux enfants...
Jean se sent creux.
Il t'envie.

puisque Jeanne était pleine de Dieu
lui que lui reste-il dans le corps si ce n'est un lourd poids.
Il aurait bien aimé connaitre lui-même cette foi qui guide nos pas
ou à défaut, connaitre la force de convictions des gens comme toi
comme toi

Tu t'actives, dirige ton micro-orchestre de vie, prend même le temps de parler sur un ton qui badine avec votre conversation.
métro boulot dodo toi aussi tu as donc glissé dans les chaussons des employés de bureau, mais bien sûr tu ne pouvais pas te couper totalement de ce qui t'a été de force retiré. Retourner à la psychologie après que tu ne puisses plus magiquement sondé de faux patients c'est attendu.
Il ne juge pas
Il est loin d'être mieux.
La chienne se redresse et piétine un peu sur place, elle a hâte de retourner en balade.
et pour une fois, comme si cette joie remontait en lui, il décoche un large sourire, prêt à embellir un peu son quotidien.

Qu'est-ce que tu crois, quand on enfile l'insigne c'est pour toujours. (bien sur qu'il est fier, il ne la mérite plus, il le sait bien au fond, mais on continue de lui accorder, de flatter son ego dans l'espoir de ne pas lâcher dans la rue du soir un chien fou) Mais ouai ça va, le FBI...bon...c'est des gens carrés tu sais, pas de chichis avec eux au moins...par contre mes nouveaux collègues bon... et il hausse les épaules comme s'il n'y pouvait rien, j'suis pas trop sur la même longueur d'onde, mais bon on se serre les coudes quand même, à cause de mon passif ils m'ont calqué dans leur brigade du para...on voit de ces trucs j'te jure. il expire bruyamment comme pour appuyer son incrédulité parfois qui accapare son être sur les scènes.

et bien qu'il frissonne lorsque tu nommes cette ville, il ne dit rien, et la sensation s'apaise en parlant du boulot, c'est quelque chose dont il se lasse rarement après tout et qui en prime à le bonus de le rassurer,
comme une vieille routine.
Les chahuteurs arrivent, les présentations faites, Jean hausse un sourcil amusé face à ton appuie sur sa déliquescence. Il n'est pas à l'aise avec les gosses alors de prime abord il n'adresse qu'un sourire silencieux, les toisant de ses épaules.
Il remet une main dans ses poches sans les quitter des yeux et en sort un paquet de friandises qu'il remet à l'un des garçons. La chienne jappe à grosse voix en voyant le paquet si proche et si loin, mais ne fais rien pour essayer de l'attraper,
bruyante oui, mais sage.

C'est pas vraiment son truc les caresses, mais c'est une vraie goinfre. bah...faudrait que je bosse sur son refus d’appât....ça sera pour un autre jour... finit-il avec une voix aimante en suivant du regard la chienne qui se déplace jusqu'au enfants pour quémander. La longe est longue donc il lui laisse un peu de mou sans que ça gène plus que ça, puis dans leur beau pays, les trottoirs sont larges.
Sinon elle entend rien, faut lui parler avec les mains.

une fois les marmots occupés il se penche un peu vers elle l'air de rien et de tout à la fois, faussement vexé, il s'est détendu, il a l'impression de retrouver oui, une autre fois meilleur sans avoir à l'évoquer

J'suis pas si vieux que ça non ?

il te tend le bâton, que veux-tu, voir ton côté taquin remonter à la surface, ça lui rappel de bons souvenirs et des moins bons, mais avec le temps
tout se bonifie.
(tiens ça serait une bonne foi ça)

Son éclat ricane, sa gestuelle s'était faite présidentielle
Je suis au regret de vous annoncer que je suis devenu un homme de vertu, en conséquence sur mon testament, il n'y a que des noms d'associations. Il le dit sur le ton de la rigolade en mimant être un grand homme pour te poursuivre dans l'idée,
pourtant il ne rigole pas du tout dans les faits.
(minus la vertu ça va de soit)
il n'a jamais été doué pour te renvoyer la balle avec la même taquinerie, il a toujours été celui qui se prend les coups ; pour amuser la galerie surjouer la douleur de ceux-ci.
(il se souvient encore du jour où tu as claquée la porte de son appartement avec engouement)
Comparé à ce jour-ci, aujourd'hui il n'est pas d'humeur à la bouderie.
les bâtiments défilent aux ralentis
il resterait bien sur cette route toute une vie
Jean inspire à plein poumon, il n'y a que peu de voiture qui ronflent dans cette rue.
que c'est bon de s'être retrouvé Philomène, pourquoi avait-il tant cherché à vous fuir ? il ne sait plus, il a oublié la raison en cet instant.

Jean n'a aucune chance sur ton terrain de tir il se rabat sur les douilles que tu laisses dans tes pas.
Les météorites hein.
bien qu'il se sent bien, il a toujours des sueurs froides, ce malaise les lui rappel, les mains engoncées dans ses poches, quelque uns de ses doigts se referment avec force contre un paquet de menthol.
pas encore, dix, quinze, cent mètres de plus.  

Quoi ils apprennent déjà ça ? je savais pas qu'on dicte ces histoires aux têtes blondes dès cet âge là.

Lui c'était plutôt apprentissage de la création, le sujet le met d'autant plus mal à l'aise. ça lui rappel les rares mauvais côtés de ses années d'école
(de police évidemment).

J'espère que tu leur refileras pas l'idée en tout cas. Je risquerai de me prendre au jeu et leur raconter des conn-...des bêtises...
Il zieute de loin les marmots, il sait que ça joue les innocent mais que les oreilles sont souvent bien tendues pour les gros mots.

Avec une mère pareil, Jean a du soucis à se faire si les enfants s'y mettent aussi, c'est déjà sport de donner la réplique à sa rousse favorite, mais s'il doit jouer de plus belle pour les petiots, ah...
ça lui rappel un film qu'il a vu une fois à la télé, un soir ou il était vraiment trop bourré pour avoir la force de zapper, mais pas assez pour juste sombrer.
c'était quoi déjà, il avait pas vu la fin...Neverland..? un truc comme ça...
ses joues prennent des couleurs, non hein c'est pas la même chose, elle l'invite par courtoisie c'est tout, parce qu'elle le connait, parce qu'il l'a connu, parce qu'elle est toute aussi esseulée qu'il l'est de leurs vieux souvenirs, les vrais, pas les usurpés.