aimer et haïr,
deux concepts qui sont totalement opposés, mais si semblables en même temps ; deux termes que mathis refuse d’accepter, de concevoir.
mais c’est plus fort de lui ; personne ne peut forcer mathis à ne rien ressentir – et peut-être que c’est la puissance de ces deux sentiments qui l’effraie le plus.
en effet, ce n’est pas la peine de faire de grandes réflexions sur le vrai sens de l’amour et de la haine,
le principe est le même. c'est simplement d’apporter un certain intérêt à une quelconque personne.
et c'est surtout ça, que mathis tente (toujours) d’esquiver.

car même s’il semble confortable dans ses souliers, déterminé à se poser dans le petit bistrot du coin, pour voir une grande gorgée réchauffante de thé,
mathis est mort à l’intérieur ;
toujours anxieux, à se poser mille questions de comment s’habiller, comme se comporter, comme tenter de s’effacer,
en plein milieu de cette foutue société.

c’est effrayant.
(de se sentir si différent)
et d'assumer presqu'à moitié.

en plus, depuis peu – c'est bien récent –, il se sent toujours obligé de regarder, à gauche, et à droite, devant, ou dernière lui,
pour être sûr de ne pas croiser des visages familiers ;
comme c’est une difficulté qu’il n’a toujours pas franchie : comment faire semblant de se sociabiliser en face d’une personne qui le connaît plus ou moins ?
question pertinente.
mais qui, malheureusement, n’obtiendra pas de réponse – parce que mathis refuse, comme toujours,
il le fait sans cesse (– à moins de ne plus résister),
il prend la fuite,
toujours aussi vite.

et cela ne loupe pas en ce jour si beau, et froid à la fois.
c’est l’hiver, mais le temps est bien révolté depuis une demi-décennie – il le sait bien mathis, la météo n’est plus prévisible. enfin, elle ne l’a jamais vraiment été.
sinon, tout le monde aurait su pour ce jour de tempête, inoubliable (– mais qu’il faut oublier).
aujourd’hui mathis, il veut simplement dessiner, dans son coin, s'entraîner et se perfectionner, pour ne pas changer.

un gros carnet à croquis et un petit sac coincés sous son bras, il passe devant la vitrine du bar où il compte se poser.
mais c’est en s’approchant de l’entrée qu’il aperçoit alors ce visage-là qu’il connaît bien – à son plus grand malheur –, il te connaît grâce à la toile,
et toute la panoplie de vidéos que tu as partagé – pour ton plus grand bonheur.
son corps se crispe à cette vision terrifiante.

pourquoi toi.

pourquoi c'est toi qu'il croise sans cesse ? pourquoi toi, et pourquoi pas la bienfaitrice qui pourrait, avec sa positivité, redonner le sourire à sa mère maudite ?
pourquoi faut-il qu’il tombe sur les connaissances de celle qu’il admire en secret, car son message optimiste,
est peut-être son seul et unique espoir...

parfois mathis, se demande s’il n’est pas maudit ; bien sûr, peut-être qu’il devrait se sentir malchanceux,
mais ce n’est qu’une superstition qui n’a pas lieu d’être.
donc mathis, la seule chose qu’il se permet de faire – après avoir retenu sa respiration – c’est de retourner illico presto ses talons, comme d’habitude quand il te croise. c’est impossible d’être si poisseux,
son karma est si mauvais que cela ?

quelle ironie.

et peut-être bien que le karma, c’est toi, dans tous les sens du terme, et du pseudonyme. tu es le chat noir que mathis se sent obligé de fuir,
alors il ne se gêne pas, il t’a déjà habitué à un tel comportement. c’est dommage qu’il ne cherche pas à te connaître plus que ça d’ailleurs,
mais que veux-tu ?

tu as une personnalité qui paralyse son corps,
et il a peur,
il en tremble déjà un peu.
vite, il doit se cacher dans la ruelle la plus obscure et plus proche.
il ne veut pas que son cauchemar continue à le hanter… pauvre mathis, toujours pas maudit, mais pourtant, il se comporte comme l’un d’entre eux car,

il est si mal dans sa peau.
(mais si bien, parfois aussi)